Stonehenge III : âge du bronze, vers -2000 / -1100
Stonehenge III – a
Démantèlement du double cercle de pierres bleues
La phase suivante des travaux se déroule à la fin du -IIIe millénaire, quand le phénomène culturel de mégalithisme s’arrête partout ailleurs en Europe. La totalité des rocs des groupes Q et R sont enlevés, laissant la place pour un remarquable complexe de 75 monolithes, qui captivent encore aujourd’hui les visiteurs.
Extraction et transport des blocs de sarsen
Les colossaux monolithes, composés de grès naturel de l’époque géologique Oligocène-Miocène, proviennent de carrières se trouvant à environ 40 km du site, dans les Marlborough Downs, à l’est d’Avebury. L’étymologie remonterait au vieux mot saracen (sarrasin). Ces grès se sont formés sur la surface de roche sédimentaire calcaire, au moyen de l’agglomération régulière de couches de sable siliceux dont ils ont conservé une épaisseur quasi constante et un parallélisme naturel des deux plans principaux. Ils ont été rigoureusement et sélectionnés avec soin en fonction du format voulu. Transporter ces monolithes, pesant jusqu’à 50 tonnes, sur plusieurs dizaines de kilomètres a nécessité des trésors d’inventivité technique en plus d’une forte détermination qui ne laisse aucun doute, d’autant plus qu’il faut surmonter le passage d’une colline à mi-parcours. Richard John Copland Atkinson suggère l’utilisation de systèmes de traîneaux, cordes et rouleaux de bois, à la force des bras de milliers de personnes plusieurs décennies durant. Ces procédés ont été expérimentés et validés plus récemment par Wally Wallington, charpentier à la retraite, qui a prouvé qu’un tel chantier est réalisable avec des techniques simples et physiquement supportables par les ouvriers d’alors.
Les trilithes
Ce sont des structures mégalithiques composées de trois monolithes de grès levés et disposés comme des portiques, au nombre de cinq groupes, laissant une ouverture de 13,70 m de largeur au nord-est et suivant un plan ressemblant à un fer à cheval. Ces monolithes ont été modelés sur le chantier à avec des boules rocheuses laissant sur le grès pourtant dur les traces en vagues parallèles typiques de cette technique, aussi constatées sur des constructions en l’Égypte antique. Ils ont ensuite été assemblés d’après des techniques de charpentage. Chacun des dix piliers présente un tenon (communément appelé « partie mâle », car c’est elle qui s’insère) unique au centre de la partie supérieure, et chaque linteau, pesant tous les cinq jusqu’à 50 tonnes chacun, comporte deux mortaises (« partie femelle » accueillant le tenon) ovales. Les trilithes sont disposés de façon symétrique. Les deux paires les plus petites culminaient à 6 m de hauteur, les deux autres à 6,50 m, tandis que l’unique disposé du côté sud-ouest devait mesurer 7,3 m, en comprenant le linteau. En comptant depuis l’ouverture nord-est, et ce dans le sens des aiguilles d’une montre, les deux premiers sont les seuls à être toujours indemnes pour les visiteurs d’aujourd’hui, alors que celui au centre s’est effondré depuis déjà longtemps. Son pilier de 6,70 m de hauteur a été relevé en 1901, l’autre reste brisé au sol en plusieurs morceaux. Le linteau est aussi abattu sur le tranchant, mettant bien en évidence les deux mortaises ovales ayant servi à l’assemblage. Celui du quatrième ensemble est tombé en 1797 avant d’être restauré en 1956, comme le montrent les photos prises par Richard John Copland Atkinson. Le cinquième demeure aussi incomplet et fracturé en divers morceaux.
Les piliers des trilithes sont installés par paires très peu espacées, dont le profil réduit vers le haut en suivant une courbe davantage prononcée sur la partie haute, évoquant la technique architecturale de l’entasis des temples grecs antiques. L’ingénieur Héron d’Alexandrie, ayant vécu au Ier siècle, a expliqué le principe de cette illusion d’optique consistant à compenser l’impression qu’une colonne pourtant rectiligne semble se resserrer en son milieu. Ainsi le renflement en hauteur rétablit l’équilibre visuel naturel en vue d’obtenir des colonnes à l’apparence bien droite. Sur le pilier 53 au sud sont gravées les représentations de lames de haches et d’un poignard. D’autres gravures de têtes de haches sont visibles sur les faces extérieures des éléments 3, 4 et 5, placées au nord-est du grand ensemble de grès. Bien que leur datation soit complexe, leur apparence ressemble énormément aux types d’armes déjà connus à l’époque tardive du bronze, précédant l’âge de fer.
Le grand cercle de sarsen
Trente monolithes de grès composent cet imposant ensemble, édifiés en un cromlech d’un diamètre de 33 m et surplombés de 30 linteaux. Chacun des piliers présente un ensemble de deux tenons et mortaises ovales correspondant à chaque linteau, assemblés avec précision bout à bout à l’aide d’entailles appelées rainures et de languettes taillées en pointe, semblables à des tenons. Le tout forme un anneau ininterrompu et suspendu à la cime de la structure. Les constructeurs ont eu le souci constant du rendu visuel final, suivant l’exemple des trilithes : les orthostates (ou orthostats), blocs dressés sur leur verticale, s’élargissent doucement en hauteur, de façon que leur perspective demeure constante quand elle est regardée depuis le sol, pendant que les linteaux présentent une légère courbe dans leur taille, en vue de maintenir la disposition circulaire globale du site. La taille étant plus brute que celle des trilithes ainsi que les faces extérieures, chacun des piliers présente une face plus travaillée vers l’intérieur de l’ensemble.
Ces roches sont épaisses de 1,10 m en moyenne et sont distancées d’à peu près 1 m. L’un des orthostats, placé au sud-est, est anormalement réduit par rapport aux autres, ce qui a suscité de nombreuses interrogations et théories. Richard John Copland Atkinson propose que les constructeurs se sont simplement arrangés d’un élément plus petit, à défaut de disposer d’un autre de la taille recherchée. Par ailleurs il manque l’ensemble de la partie ouest, laissant à penser durant longtemps que le chantier n’avait jamais mené à bien, faute d’avoir pu acheminer les 60 monolithes nécessaires pour achever les travaux. Mais un printemps humide suivi d’un été très sec et chaud en 2013 a mis en évidence des traces d’herbe brûlée concordant avec les mégalithes désormais disparus, laissant penser que le chantier avait bien été terminé. Les orthostats culminent à près de 4,10 m, sont larges de 2,10 m et d’un poids de 25 tonnes environ. Quant aux linteaux, chacun mesure 3,20 m environ de long, pour 1 m de large, une épaisseur de 80 cm et un poids de 7 tonnes environ. Les sommets des linteaux subsistants sont suspendus à 4,90 m en amont du sol.
La Slaughter Stone
C’est une dénomination fantaisiste attribuée par des explorateurs précédents à une pièce de grès taillée avec précaution, d’une longueur de 7 m, jadis levée, mais tombée de nos jours vers l’intérieur, affleurant très légèrement près du talus. Elle faisait partie des deux ou trois grands portails (le nombre est incertain) marquant l’entrée nord-est. Contrairement à ce que cette appelle le suggère, il n’y a jamais eu de sacrifice d’animaux ou d’humains, bien que cette croyance populaire persiste dans certains esprits, notamment avec la présence des restes de « l’archer ».