Étymologie
« Soufre » provient de la francisation du mot espagnol « Azufre » qui, lui-même, tire son nom du latin « sulfur ». Ce mot trouve aussi son origine de l’arabe « As-Sofr » signifiant littéralement « jauneté ». Soufre diffère du mot « sulfure » qui provient du sanskrit « çulbâri » signifiant ennemi du cuivre. Les Arabes andalous ont développé des connaissances chimiques médiévales et introduit ces termes en Europe occidentale. Toutefois, la plupart des étymologistes se mettent d’accord pour tirer le « soufre » du latin « sulfur ».
Son histoire et son utilisation
Le soufre constitue l’un des éléments les plus anciens de l’histoire de l’humanité, dans le sens où la date exacte de sa découverte est incertaine. Par conséquent, il est impossible de savoir laquelle des civilisations antiques l’utilisa réellement pour la première fois.
Dans la Bible
Dans la Bible, le soufre accompagne le feu infernal et les enfers. Cet élément chimique y est mentionné à plusieurs reprises, notamment dans :
- Genèse, 19, 24 (Yahweh fit pleuvoir du soufre et du feu sur Sodome et Gomorrhe) ;
- Job, 15, 18 (du soufre sera répandu sur son lieu de résidence) ;
- Ésaïe, 30, 33 (le souffle de Yahvé comme un torrent de soufre va l’embraser) ;
- Ap, 19, 20 (la Bête de l’Apocalypse et un faux prophète sont jetés dans un étang ardent de soufre).
Il est possible que la supposée odeur de soufre de l’enfer soit liée aux éruptions volcaniques. Son découvreur a sûrement rencontré des mines de soufre comme des terres poussiéreuses ou encore des cristaux jaunes à côté d’un volcan.
Pendant l’Antiquité
Vers 150 av. J.-C., l’homme politique romain Caton l’Ancien inclut le soufre dans une recette d’insecticide contre la pyrale de la vigne. Au IXe siècle av. J.-C. et en -424, cet élément composa avec le goudron et le charbon un mélange permettant de brûler les murs d’une ville. Le soufre apparaît également dans le livre XXII de l’Odyssée, notamment dans le massacre des prétendants. Ulysse le brûle afin de purifier sa maison. Par ailleurs, le médecin, pharmacologue et botaniste Dioscoride décrit le soufre comme un corps jaune qui brûle avec une petite flamme bleue accompagnée d’une fumée irritante. Celui-ci fut une des premières armes chimiques, car il fut employé par les militaires en vue de faire fuir l’ennemi.
Les Égyptiens utilisaient le soufre pour traiter l’inflammation des paupières et soulager la gale et l’acné, application que l’on retrouve encore dans les articles dermatologiques. Les Romains l’employaient dans leurs rituels comme agent de blanchiment et fumigant et illuminaient ainsi les cirques avec. Le soufre qui brûle libère du SO2, gaz procurant un milieu antibactérien et capable d’annihiler les insectes. Quant aux Grecs, ils utilisaient cet élément pour créer des armes incendiaires. Les Chinois, pour leur part, découvrirent que le mélange soufre-salpêtre (KNO3) donnait lieu à un matériau noir pouvant servir de poudre à canon. Cette découverte a marqué un revirement historique et a suscité une grande demande pour la pierre soufre.
Dans les temps modernes
Après l’émergence de la poudre à canon, la convoitise pour le soufre (surtout de l’acide sulfurique) n’a fait que croître.
L’utilisation du soufre à travers le temps
En 1777, le chimiste Antoine Lavoisier proposa à la communauté scientifique de considérer le soufre comme un élément et non un composé. Toutefois, Humphry Davy continuait de croire le contraire à la suite d’expériences avec du soufre impur. En 1809, les chimistes Joseph Louis Gay-Lussac et Louis Jacques Thenard ont confirmé la thèse de Lavoisier. En effet, le « foie de soufre » employé pour solubiliser les métaux comme l’or était la « combinaison de l’alcali fixe avec le soufre ».
Au XVe siècle, on utilisait le soufre comme désinfectant de locaux au temps de la peste noire.
En 1781, le pharmacien et chimiste français Nicolas Deyeux détecta le soufre dans certaines plantes. En 1813, H.A. Vogel le décela dans la bile et le sang d’animaux. En effet, cet élément chimique existe dans deux des 20 aminoacides naturels. Ensuite, ses propriétés fongicides sont identifiées par le botaniste William Forsyth en 1802. En 1831, W.C. Zeise prépara le premier thiol C2H5SH qui fut appelé mercaptan à l’époque. La même année, le procédé de contact en vue de préparer du SO3 avec l’oxyde de vanadium V2O5 comme catalyseur est breveté. Par ailleurs, à partir du S2CL2 et du NH3, M. Gregory a préparé pour la première fois du cluster S4N4.
En 1839, la compagnie américaine Goodyear utilisa du soufre dans le procédé de vulcanisation du latex.
En 1845, l’oïdium de la vigne fut une maladie émergente de l’Angleterre et ravagea le vignoble français, puis européen. Grison, Hardy et Duchartre ont alors démontré l’efficacité du soufre contre cette maladie. Gonthier invente ensuite un soufflet permettant de pulvériser de la fleur de soufre sur les feuilles de vigne mouillées. En 1853, l’horticulteur Rose Charmeux teste le poudrage à sec qui s’avère efficace. Celui-ci sera employé dans toute l’Europe afin de redresser la production viticole à partir de 1858. En 1880, trois poudrages annuels sont alors recommandés. Cela nécessite 120 à 150 kg/ha de soufre trituré ou 80 à 90 kg/ha de fleur de soufre, et ce, par an. En 1885, le fongicide de synthèse bouillie bordelaise s’y ajoute afin de traiter le mildiou de la vigne.
En 1926, le physicien et chimiste anglais Francis William Aston a identifié par spectrométrie de masse les isotopes 33 et 34. En 1920, il n’avait détecté que le 32S, l’isotope le plus abondant.
Depuis le XIXe siècle, on assiste à une consommation croissante du soufre en raison de la chimie et du blanchiment de la soie et de la laine. La production d’acide sulfurique, d’allumettes et de poudre à canon y contribue également. À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, cette forte demande touchera aussi le domaine de l’agriculture, car les propriétés fongicides et désinfectantes du soufre seront très appréciées. À la fin du XIXe siècle, le vignoble à lui seul consomme 100 000 à 150 000 t/an. Les sulfates de potassium, d’ammonium et de magnésium sont aussi très demandés pour fabriquer divers engrais. Cela conduit alors à la construction de sublimeries et de tritureries de soufre. Des dizaines de ces usines se trouvent autour des villes comme Bordeaux, Marseille, Sète, Frontignan, Montpellier et Narbonne afin de répondre aux besoins des vignerons. Pendant que la demande industrielle et agricole augmentait, une grosse production de soufre était réalisée par la désacidification de certains gaz naturels. La production de carburants désoufrés a également marqué cette période. Ce type de carburant était imposé par un nombre croissant de législations visant à diminuer les pluies acides et la pollution de l’air.
Actuellement, le soufre trituré ventilé ou micronisé est encore utilisé en agriculture biologique et chez les particuliers en tant que répulsif, acaricide et fongicide. Cependant, son utilisation devrait être modérée sur certaines cultures. Bien qu’il soit peu actif sous 18 °C et optimal à 23-25 °C, il peut devenir phytotoxique au-delà de 35 °C dépendant de la nature des formulations. De plus, ce produit donne un goût soufré au jus de raisin ou au vin.
Zoom sur les diverses formes de soufre employées en agriculture
Comme le soufre n’est pas soluble dans l’eau, il est généralement utilisé sous forme de poudre dispersable par poudrage ou en solution en agriculture. Selon ces critères, ci-dessous les formes les plus rencontrées :
- le soufre trituré ventilé (d’un diamètre de 100 à 15 µm) est destiné au poudrage ;
- le soufre sublimé (d’un diamètre de 15 à 5 µm) est également destiné au poudrage ;
- le soufre micronisé (de diamètre inférieur à 5 µm) est destiné à la dispersion en solution aqueuse ;
- le soufre micronisé atomisé (de diamètre inférieur à 5 µm, à granulométrie régulière) est destiné à la dispersion en solution aqueuse ;
- la suspension concentrée (d’un diamètre de 3 à 2 µm) est un soufre mélangé à de l’épaississant et est destinée à la dispersion en solution aqueuse.
Dans le domaine de l’agriculture, le soufre constitue l’un des éléments les plus largement employés, quelle que soit sa forme.
La pollution et l’acidification des milieux par le soufre
Comme le carbone, le phosphore, l’azote, l’eau et l’oxygène, le soufre est un élément essentiel à la vie et possède son propre cycle de vie. On appelle ce dernier le cycle mondial du soufre. La brûlure du pétrole, du charbon et du gaz modifie ce cycle en acidifiant l’air, la mer, les sols, les pluies ainsi que les écosystèmes. Cela s’effectue par émission de dioxyde de soufre et de soufre réactif.
En 2020, une importante quantité de soufre est introduite dans le sol par le biais des pesticides et des engrais. Leurs effets écologiques « majeurs » se révèlent en cascade sur le long terme, mais sont pourtant sous-étudiés. Selon Eve-Lyn et al. (2020), l’analyse du cycle du soufre implique également l’étude des rôles intégrés du climat, de l’hydrologie et d’autres cycles d’éléments dans le changement des processus et des flux du soufre. Cela concerne l’intérieur et l’entourage des zones de sources agricoles. Les agriculteurs, les scientifiques, les autorités de régulation et les gestionnaires des terres engagés dans la transition vers l’agroécologie sont impliqués dans cette étude.
De nos jours, les carburants sont plus ou moins désoufrés, mais la modification anthropique du cycle du soufre n’est pas encore terminée. Une fois les hydrocarbures facilement accessibles épuisés, l’industrie d’extraction des ressources fossiles se tournera vers les hydrocarbures non conventionnels. Ces derniers sont souvent plus riches en soufre et en d’autres contaminants que les hydrocarbures conventionnels. En parallèle, la réglementation devrait imposer à la marine marchande d’employer des carburants nettement moins soufrés. Il est à noter que celle-ci est actuellement responsable de 75 % des émissions d’oxyde de soufre. Ainsi, le soufre ne figure pas sur la liste des éléments qui risquent de manquer. Au contraire, il sera excessivement présent dans les sols agricoles.
Les sources de soufre
Le soufre est un non-métal naturellement abondant et se trouve dans divers minéraux sous forme de sulfures comme la pyrite, la galène et le cinabre. Il compose aussi d’autres éléments sous forme de sulfates tels que les vitriols, la barytine et le gypse. Cet élément chimique de symbole S se trouve également au niveau des sources chaudes et des fumerolles ainsi que dans les gaz volcaniques.
Le soufre est aussi présent en petites quantités dans le pétrole et le charbon. Ces derniers produisent de l’anhydride sulfureux, une fois brûlés. Celui-ci se combine ensuite avec l’eau présente dans l’atmosphère pour produire les pluies acides. C’est pourquoi les normes sur les carburants exigent davantage que le soufre soit extrait des combustibles fossiles. Ce minéral extrait est alors raffiné et représente une majeure partie de production de soufre.
On rencontre une extraction du soufre le long de la côte du golfe du Mexique selon le procédé Frasch. Ce dernier consiste à chauffer de l’eau liquide à 160 °C et de l’injecter dans le gisement de soufre, ce qui le fait fondre. Ensuite, de l’air comprimé est injecté dans le puits afin de remonter le soufre fondu à la surface. Des navires spécialisés dénommés soufriers sont utilisés si le soufre transporté est en grande quantité.
Calendrier
Dans le calendrier républicain français, le mois de nivôse correspond à la période du 21 décembre au 19 janvier du calendrier grégorien. Le quatrième jour de ce mois porte le nom de Soufre.