Le quinquina : histoire, description, culture et habitat, composition, propriétés, utilisations, précautions
Le Cinchona officinalis, communément appelé « quinquina », est un arbre à feuillage persistant. Il est également appelé uritusinga ou encore le « bois aux fièvres ».
Le quinquina est originaire de la cordillère des Andes. Il renferme un faible taux de quinine.
Afin d’éviter une confusion avec le genre, l’espèce peut être nommée « quinquina gris ».
Histoire du quinquina
Les premiers usagers de la plante furent les Indiens du village de Malacatos. À cette époque, ils la désignent Yarachucchu Carachucchu. Ce mot vient de Yara qui signifie « fièvre », de Cara ou « écorce » et de Chucchu qui veut dire « frisson de la fièvre ». Ils appelaient également la plante Ayac Cara ou « écorce amère ».
Les Jésuites connaissaient le quinquina sous le nom d’arbol de las calenturas ou « l’arbre des fièvres ». L’écorce du Pérou a été désignée kinakina, mais cette plante était en réalité le Myroxylon peruiferum. Kinakina veut dire « l’écorce des écorces » en quechua.Au XVIIe siècle, le Dr Sebastiano Bado employa pour la première fois le terme « quinquina ». L’écorce du quinquina se crée une réputation en Europe à cette époque grâce à ses vertus antipaludiques.
Un cacique indien ayant appris la maladie du révérend père des Jésuites lui donna une décoction de quinquina. Guéri, ce dernier désira tout savoir de cette plante miraculeuse et en cueillit pour en ramener en Espagne.
Le cardinal De Lugo le diffusa à Rome qui, à cette époque, était une zone très impaludée. Depuis, le quinquina est devenu la thérapie de référence du paludisme. Le terme « poudre des Jésuites » se changea en « poudre du Cardinal ». En effet, De Lugo la recommanda à Mazarin pour soigner Louis XIV. En 1649, le Roi-Soleil fut rétabli d’une fièvre persistante grâce au quinquina.
Talbot utilisa le quinquina pour traiter Charles II. Lors du passage de ce médecin personnel royal en France, il en donna au Grand Dauphin, à Condé et à Colbert. Constatant la guérison de son fils, Louis de France ordonna à l’apothicaire de la cour de rédiger un document vantant les mérites du quinquina.
L’Académie royale des sciences décida de mener une expédition pour approfondir les connaissances sur le quinquina et de mesurer l’arc méridien. En 1735, des mathématiciens, le géographe Charles Marie de La Condamine et le naturaliste Joseph de Jussieu entreprirent la mission savante au Pérou.
Le mémoire « sur l’arbre de quinquina » publié en 1738 de La Condamine mentionne que le quinquina se présentait sous trois espèces : le rouge, le jaune et le blanc. La montagne de Cajanuma abritait ces espèces et a permis l’exportation européenne. La partie utilisée est l’écorce.
Le quinquina donné par un Indien guérit la fièvre du corregidor de Loxa, Juan Lopez de Cañizares. Ce dernier en fournit à la comtesse de Chinchon qui à son tour fut rétabli. En 1753, le botaniste suédois Linné fait référence à une semblable guérison d’Ana de Osorio en nommant la plante « poudre de la comtesse ». Par ailleurs, il crée la nomenclature scientifique du genre Cinchona.
Le mémoire de Joseph de Jussieu publié en 1737 rapporte aussi l’endroit dans lequel on pouvait trouver le quinquina. Il spécifiait que la qualité de l’écorce diminuait au fur et à mesure que l’on s’éloignait de Canaxuma. Le quinquina vit dans toute la province de Loxa.
En 1820, le quinquina est analysé chimiquement. Joseph-Bienaimé Caventou et Pierre Joseph Pelletier, deux chimistes et pharmaciens français, réussissent à isoler la quinine à partir de la plante.
En 1850, les Anglais cultivent le quinquina en Inde près de Darjeeling et à Ceylan (Sri Lanka). De leur côté, les Néerlandais développent leur plantation dans l’île de Java dans les Indes néerlandaises. À cette époque, la différence de concentration en quinine des espèces était déjà constatée. Le quinquina gris n’en contient pratiquement pas, contrairement au rouge et au jaune.
L’armée française fut ravagée par le paludisme en Macédoine en 1916. L’épidémie fut résolue par le quinquina. Après la conquête des Indes néerlandaises, le Japon prit le contrôle de la production mondiale de quinquina.
Les alliés durent se rabattre sur une forme artificielle pour compenser cette perte. En 1944, une avancée scientifique significative fut réalisée par Robert Woodward et William von Eggers Doering. Les deux chimistes américains réussissent la synthèse de la chloroquine. Trois molécules pouvaient alors servir de traitement du paludisme à l’époque : la quinacrine, la plasmoquine et la chloroquine.
Ces traitements ont prévalu jusqu’à l’apparition d’une résistance à la quinine du Plasmodium, le parasite responsable de la maladie.
Description botanique du quinquina
Le genre Cinchona compte environ 23 espèces. La plante présente un goût très amer.
Le quinquina peut atteindre 6 m de hauteur. Il comporte des branches avec une pilosité variable. Son écorce se colore en brun grisâtre à l’extérieur. Elle recèle des fissures et des crevasses longitudinales. À l’intérieur, elle est brun cuivré et dotée d’une cassure nette et peu fibreuse.
Ses feuilles possèdent plusieurs caractéristiques. Elles sont simples, entières et opposées ; elles sont également vertes, lisses, lancéolées et chartacées. Leurs dimensions sont de 6-11 (longueur) et de 3-4,6 cm (largeur). Elles sont arrondies, à base cunée et à domaties en cavité.
Les inflorescences se présentent sous forme de cymes à calice glabre en dedans de 2 mm.
La corolle de couleur rose ou pourpre est pourvue d’un tube de 8 à 13 mm et de lobes de 3 à 5 mm. De là sont insérées des étamines courtes ou longues.
Ses fruits sont des capsules ovales mesurant 10 à 20 mm de longueur et de 6 à 10 mm de largeur.
Culture et habitat du quinquina
Le quinquina pousse naturellement dans les régions andines du sud de l’équateur. Il apprécie les forêts sèches entre 1 700 et 3 000 m d’altitude. Sa croissance est optimale entre 17 à 21 °C. Il ne supporte pas les températures en dessous de -2 °C.
Pour grandir, il a besoin d’un sol frais, argilo-siliceux, perméable, bien drainé, riche en humus et profond. Sa plantation printanière s’effectue en pot ou directement en pleine terre.
Si la floraison du quinquina s’étend de juin à septembre, sa fructification se déroule de juillet à octobre. Le quinquina se multiplie par bouturage ou par semis.
Son entretien consiste en un léger élagage vers mars et avril. Cela luttera contre le Celerio Nerii, un grand papillon rongeur de feuilles.
Composition et propriétés du quinquina
Le quinquina comporte plusieurs éléments :
des composés phénoliques (cinchocaïne, proanthocyanidols, tanin),
des acides organiques (acide quinique),
des saponosides triterpéniques (quinovine),
des anthraquinones,
de l’huile essentielle,
des alcaloïdes quinoléiques (quinine, quinidine),
des alcaloïdes indoliques (cinchonamine).
Cette espèce est moins riche en alcaloïdes que les autres, donc pauvre en quinine. Cela lui confère une utilisation plus marquée dans la boisson que dans la phytothérapie.
Propriétés du quinquina
La quinine contenue dans le quinquina est responsable de presque toutes ses vertus thérapeutiques.
Propriétés
Composants responsables
Tonique
Alcaloïdes
Antipyrétique
Quinine
Anti-infectieuse
Antiparasitaire
Antigrippale
Analgésique
Modératrice cardiaque
Digestives
Tanin
Utilisations du quinquina du quinquina en phytothérapie
Le quinquina connaît plusieurs indications thérapeutiques. L’une de ses applications principales est le traitement de l’anémie, où il aide à augmenter le taux de globules rouges dans le sang.
En phytothérapie
Il est également utilisé en cas de fatigue générale, apportant un regain d’énergie nécessaire pour l’organisme. En phase de convalescence, le quinquina aide à retrouver la force et à accélérer la récupération.
Pour les personnes souffrant de perte d’appétit, le quinquina peut stimuler l’appétit et améliorer la digestion. Il est également efficace pour combattre les infections, grâce à ses propriétés antiseptiques, et est donc parfois utilisé dans le traitement de la grippe.
Le quinquina aide à guérir les escarres et les plaies atones en stimulant la régénération des tissus. Il peut également apaiser l’irritation de la gorge lorsqu’il est utilisé en gargarisme. De plus, le quinquina est utilisé pour soulager les démangeaisons du cuir chevelu.
Le quinquina est utile pour soulager les douleurs musculaires, les courbatures et les crampes musculaires, en raison de ses propriétés analgésiques.
Enfin, le quinquina peut être utilisé pour traiter les troubles du rythme cardiaque, en aidant à réguler l’activité électrique du cœur.
Par la présence de la quinine, le quinquina peut être employé dans le traitement du paludisme. Cependant, il est le moins riche en quinine des espèces. De ce fait, son utilisation a été surtout axée dans la boisson.
Dans l’industrie de la boisson
Depuis longtemps, les colons anglais versent du quinquina dans leur gin. Ainsi naquit le gin-tonic. En 1830, le Dr Adémar Juppet créa le Saint-Raphaël. Cet apéritif renferme du quinquina et du vin.
Le quinquina entre également dans la composition des boissons alcoolisées telles que le Dubonnet ou le Martini Rosso. Il est présent dans les boissons non alcoolisées comme le Canada Dry, le Schweppes ou le Red Bull.
Méthodes de préparation et posologie du quinquina
Des extraits de quinquina sous forme de gélules sont disponibles sur le marché. Il faut ainsi prendre entre 2 à 5 gélules de 300 mg par jour en une cure d’un mois.
La poudre de quinquina s’obtient après dessiccation et broyage de l’écorce. Sa posologie journalière varie entre 0,20 à 10 g selon l’utilisation.
Une décoction se prépare avec 20 g d’écorce séchée bouillie dans un litre d’eau. Sucrer l’infusion permet de produire du sirop.
L’huile essentielle de quinquina revitalise les cheveux. Elle peut être ajoutée au shampooing ou au henné avant l’application capillaire.
La recette standard du vin de quinquina comporte les ingrédients suivants :
1 litre de vin rouge,
25 g d’écorce de quinquina,
100 g d’alcool à 45°,
10 g de café,
5 g de zeste d’orange,
½ gousse de vanille,
1 pincée de noix de muscade,
250 g de sucre.
Le quinquina et les épices sont à macérer avec l’alcool pendant une semaine. Tiédir la mixture au feu et y ajouter du sucre. La nouvelle macération de la préparation dure trois jours. Avant la mise en bouteille, le filtrage du macérat est indispensable. Un verre de vin est à prendre 30 min avant le repas, tous les deux jours durant un mois.
Il est également possible d’élaborer un bitter fait maison. Le mélange consiste à faire macérer durant une semaine des oranges amères et du quinquina dans du vin et de l’alcool.
Une autre possibilité plus simple est de faire bouillir une cuillère à soupe d’écorces de quinquina, des écorces d’oranges amères et du sucre. Après avoir refroidi le mélange, filtrer et mêler à un martini. Cette préparation peut servir de nappage sur une glace douce.
Associations possibles du quinquina
Le quinquina peut être associé à d’autres produits ou plantes pour augmenter ses effets.
Indications
Produits et plantes à associer
Démangeaison
Aloe vera, hamamélis
Cuir chevelu irrité et pellicule
Bardane, huile de serpent (mélange d’huiles végétales aux vertus capillaires renforcées)
Flatulence et ballonnement abdominal
Psyllium
Perte d’appétit
Fenugrec
Troubles digestifs
Chardon-Marie, artichaut
Précautions d’usage du quinquina
Le surdosage de quinquina entraîne plusieurs effets indésirables. Une thrombopénie augmentant le risque hémorragique peut survenir.
Une micro angiopathie thrombotique est une lésion vasculaire pouvant aller jusqu’à une atteinte d’organe. Elle peut résulter d’une exposition à une forte dose de quinine.
Une intolérance gastrique peut se présenter sous forme de vomissement, de nausée et de gastro-entérite.
Effets indésirables
Le cinchonisme se présente comme l’effet indésirable du quinquina le plus marqué. Il s’agit d’effets secondaires au traitement antipaludique à la quinine. Il regroupe plusieurs signes :
acouphènes ou bourdonnement des oreilles,
hyperacousie (augmentation de la perception des sons),
vertiges,
céphalées ou maux de tête,
nausées,
troubles de la vision comme de l’amaurose (diminution de l’acuité visuelle).
Il peut se compliquer par une anémie hémolytique aiguë ou encore une insuffisance rénale aiguë.
Contre-indications
Le quinquina est contre-indiqué dans certaines situations :
grossesse,
allaitement,
trouble de conduction intraventriculaire,
règles abondantes,
ulcère gastrique,
gastrite (inflammation de l’estomac),
allergie aux composants.
Il ne convient pas aux enfants de moins de 12 ans.
L’hypersensibilité au quinquina se traduit par des réactions cutanées combinées à des étourdissements.
Interactions médicamenteuses
Le quinquina interagit avec les anticoagulants et accroît le risque de saignement. La quinine devient toxique en association avec la digoxine, la flécaïnide et les autres médicaments arythmiques.
Mélangée à l’astémizole, la quinine augmente la concentration plasmatique. Cela provoque un effet néfaste sur le cœur.
Avant d’entamer une cure, consulter un thérapeute qualifié.