Le Chanvre : son histoire et ses espèces connues, ses utilisations, sa culture, ses contre-indications et ses effets indésirables.

Les termes ci-dessous se rapportent au chanvre et peuvent être nécessaires pour se situer dans cette thématique :

• chènevière ou canebière : les champs où le chanvre est cultivé ;
• chanvrier ou chanvrière : la personne qui prépare le chanvre (il désigne surtout un ouvrier industriel) ;
• chanvrière : une coopérative de producteurs de chanvre ;
• chènevotte : la partie ligneuse de cette plante (la moelle interne) qui reste après l’enlèvement de la filasse ;
• chènevis : la graine de chanvre ;
• ferrandier : l’artisan qui peigne et démêle la filasse de chanvre ;
• four à chanvre : le four autrefois employé pour sécher cette plante ;
• tille ou teille : l’écorce de la tige de chanvre.

Les acteurs de la filière chanvre œuvrant dans le domaine industriel emploient les appellations « chanvre », « chanvre agricole » et « chanvre cultivé ». On retrouve aussi « chanvre d’ouvrage », « chanvre indien », « chanvre d’œuvre », « chanvre afghan » et « chanvre sauvage ». En revanche, les cultivateurs à usage récréatif préfèrent la nomenclature botanique ou la terminologie latine, dont : Cannabis, indica, sativa, ruderalis ou encore afghanica.

Histoire du chanvre

L’histoire du chanvre remonte à 8 000 ans avant J.-C., au Néolithique. À cette époque, cette plante était récoltée à l’état sauvage. Sa culture a réellement commencé il y a environ 5 000 à 6 000 ans en Chine. Il s’est exporté vers l’Afrique du Nord et l’Europe lors des migrations et des conquêtes de l’Antiquité. Le chanvre fait ainsi partie des plus anciennes plantes domestiquées par l’Homme. Son histoire a été marquée par plusieurs événements résumés en quatre parties.

L’essor

L’essor du chanvre prend une dimension stratégique au Moyen Âge lorsque l’empereur Charlemagne recommande vivement sa culture. Il accordait à cette plante des propriétés nutritives accrues. Les fibres de chanvre servaient aussi à fabriquer des vêtements, des billets de banque… Au milieu du XII^e siècle, lors des invasions arabes, cette plante était un composant principal du papier en Europe. La première Bible écrite par Gutenberg en 1450 et la déclaration d’indépendance des États-Unis ont été imprimées sur ce genre de support. Le papier de chanvre a également servi à diffuser des ouvrages manuscrits et des textes littéraires, scientifiques et philosophiques.

Jusqu’au XVIII^e siècle, le chanvre était indispensable pour confectionner les câbles, les échelles, les cordages, les voiles et les haubans de navire. L’explosion du commerce intercontinental sollicitait l’utilisation de ces moyens de transport, si bien que cette plante devint rapidement indispensable.

Les diverses conquêtes et le commerce ont permis aux Espagnols de propager la culture du chanvre et de l’introduire en Amérique du Sud. Tout comme le charbon auparavant et le pétrole aujourd’hui, ce matériau avait une valeur stratégique.

Employé en fumigation, le chanvre servait aussi d’anesthésiant en cas d’opération et de traitement contre certains maux comme le rhumatisme.

Avant la Grande Guerre, la France exploitait plus de 200 000 ha et devenait le premier producteur de chanvre. Pendant la guerre anglo-américaine de 1812, le chanvre russe a été source de conflits entre l’Angleterre et les États-Unis. Il fut également l’une des raisons de l’envahissement de la Russie par Napoléon.

Le déclin

À partir du XIX^e siècle, la culture et l’industrialisation du coton, surtout aux États-Unis, ont changé radicalement la situation. Les bateaux à vapeur ont vu le jour. Il n’y avait plus besoin ni de cordage ni de voile. L’avoine, le seigle, le blé…, les céréales cultivées à grande échelle ont remplacé les champs de chanvre. La demande croissante de papiers a conduit au développement d’une nouvelle méthode à base de pâte de bois et de cellulose. Dans le domaine textile, ce matériau a été concurrencé par les fibres synthétiques comme le nylon.

Le coup de grâce

Le chanvre chargé en THC a été fortement utilisé comme stupéfiant et s’est répandu au même titre que l’héroïne, la cocaïne et l’opium. Des décisions de contrôle, puis d’interdiction, ont été prises par les gouvernements. Cette substance a été considérée comme une drogue suite à la Conférence internationale sur l’opium ayant eu lieu à La Haye en 1911-1912. Ainsi, le cannabis est devenu illégal dans plusieurs pays.

Par conséquent, le chanvre contenant du THC utilisé en médecine était concerné par l’interdiction. Tel est également le cas du chanvre industriel qui contient seulement une faible quantité de THC. La loi « Marijuana Tax Act » ou loi États-Unis II, quant à elle, n’interdit pas le cannabis, mais taxe l’ensemble de la filière. Avec l’appui de certains lobbyistes et acteurs industriels, une campagne anti-cannabis a été lancée dans les médias. Par la suite, le cannabis fut renommé « marijuana ». Cette médiatisation de propagande durera plusieurs années et impactera les minorités américaines en raison des discours racistes et xénophobes des politiciens.

Le renouveau

La production de chanvre a tout de même repris aux États-Unis durant une courte période au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Des publicités telles que « Hemp for Victory » ont été lancées, car ce matériau servait de matière première dans le domaine textile. Malheureusement, l’interdiction revient et oblige la destruction des champs et des récoltes existants.

Pourtant, en France, la culture du chanvre industriel continue. La FNPC (Fédération nationale des producteurs de chanvre) et l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) mènent à bien un programme de sélection variétale. L’objectif de celui-ci est de mettre au point des cultivars de chanvre monoïques et pauvres en THC.

De nos jours, la filière chanvre s’est particulièrement développée en France pour l’utilisation de la chènevotte en construction et en jardinage. Ainsi, la culture est autorisée, à condition que la teneur en THC des variétés sélectionnées ne dépasse pas 0,3 %. On reconnaît également l’importance du chanvre en alimentation et en cosmétique en raison de ses propriétés nutritives et régénératrices. Bio par nature, cette plante pousse sans engrais ni pesticides. Elle a besoin de dix fois moins d’eau que le coton et absorbe une grande quantité de CO₂, ce qui purifie l’air. En effet, un hectare de chanvre peut absorber 8 à 22 t de ce gaz en un an. Le Canada et les États-Unis étendent leurs surfaces cultivables à cause des enjeux économiques et médicaux importants du cannabis thérapeutique.

Les variétés de chanvre

Les analyses génétiques réalisées en 2018 ont permis de distinguer trois sous-espèces de chanvre, à savoir :

• le chanvre industriel ou cultivé de l’espèce Cannabis sativa sativa qui est originaire d’Europe ;
• le chanvre indien de l’espèce Cannabis sativa indica originaire d’Asie du Sud ;
• le chanvre sauvage ou Cannabis sativa ruderalis provenant de la Russie.

Cette classification est sujette à révision. En effet, la définition d’une limite nette entre les groupes est particulièrement compliquée à cause des nombreux cultivars obtenus par hybridation. De plus, leur origine est difficilement traçable.

Utilisations du chanvre

Toutes les parties de cette plante sont exploitables et peuvent être utilisées dans différents domaines.

Dans le secteur industriel

Il est possible de fabriquer des cordes naturelles avec les fibres de chanvre. Cela peut aller des lourds cordages de navire à la ficelle. La charge de rupture d’une corde de chanvre de 12 mm de diamètre est d’environ 1 100 kg. Ces fibres sont aussi employées dans la fabrication de divers papiers : le papier à cigarette, le billet de banque, le papier bible…

La chènevotte est utilisée en paillage (en jardinage) et dans des produits antiseptiques et absorbants.

Par ailleurs, le plastique de chanvre est une alternative biodégradable et plus abordable que le plastique à base de pétrole.

En construction et en rénovation de bâtiment

Le béton de chanvre connaît un franc succès en construction et en rénovation. Ce mélange de chènevotte et de chaux est utile pour construire des dalles et des murs isolants. Il est aussi efficace en isolation extérieure et intérieure, surtout pour construire un mur perspirant. La laine de chanvre est aussi un bon isolant thermique. Contrairement aux laines minérales (de verre, de laitier ou de roche), elle ne pose aucun problème sanitaire associé à l’amiante, par exemple.

Les fibres de la chènevotte ont aussi une bonne capacité d’absorption. Connues sous le nom de filasse, elles permettent de réaliser des joints en plomberie.

Dans le domaine alimentaire

Les personnes intolérantes au gluten trouvent leur compte avec la farine de chanvre, car elle n’en contient pas. Cette plante sert également à la préparation de différentes boissons : le sirop de chanvre, la bière chanvrée et le thé de chanvre. On cite aussi l’absinthe au cannabis, le lait de chanvre et la limonade de chanvre. Les inflorescences femelles de chanvre à faible taux de THC apportent parfum et amertume aux bières. Elles remplacent le houblon dans les microbrasseries vers la fin des années 1990.

Le chènevis et son huile sont de véritables compléments alimentaires pour l’Homme et l’animal. Selon la base USDA, une graine de chanvre décortiquée contient 49 % de lipides, 31 % de protéines et 9 % de glucides. Elle comporte aussi des vitamines des groupes B et E. L’huile obtenue par pressage du chènevis a également une forte teneur en acide gras de type oméga 3 et 6 GLA. Elle propose aussi une faible teneur en acide gras saturé. Non filtrée, elle est de couleur vert plus ou moins foncé, selon les variétés.

Concernant l’alimentation animale, les chènevis rejoignent les graines de millet et d’alpiste dans des mélanges pour oiseaux domestiques (perruches, canaris…). Enfilés sur l’hameçon, ils servent aussi d’amorce pour la pêche à la brème et au gardon. Par ailleurs, les tourteaux (résidus de l’extraction de l’huile de chanvre) servent à nourrir le bétail, car ils sont riches en protéines.

En cosmétique

L’huile de chanvre est connue pour ses propriétés nourrissantes, anti-desquamantes et anti-inflammatoires. Également non comédogène, elle aide à réduire la perte d’eau transcutanée et renforce le film hydrolipidique de l’épiderme. Ce type d’huile optimise la cohésion entre les diverses couches de kératinocytes. Il est conseillé d’utiliser de l’huile de chanvre raffinée afin de profiter d’une émulsion durable, et ce, sans odeur désagréable.

En automobile et en transport

Vers 1940, la marque automobile Ford a expérimenté une carrosserie en chanvre à travers le prototype « Hemp Body Car ». Cette voiture a aussi été alimentée par de l’éthanol de chanvre. Un conducteur canadien de véhicules électriques a ensuite repris cette idée dans les années 2010.

La chènevotte et la fibre de chanvre sont respectivement reconnues pour être légères et résistantes. Ces matériaux étaient fortement appréciés en plasturgie automobile. Ils permettaient de réduire le poids des pièces et d’améliorer les perspectives de recyclage et de protection de l’environnement.

Les graines de chanvre contiennent de l’huile pouvant être transformée en biocarburant. Rudolph Diesel a utilisé ce type de carburant pour alimenter son moteur en 1896.

Certains constructeurs automobiles renommés comme BMW, Porsche et Mercedes utilisent la fibre de chanvre pour fabriquer des éléments en matériaux composites de leurs modèles. Celle-ci est une véritable alternative à la fibre de carbone comme le témoigne la Porsche 718 Cayman GT4.

En textile

La fibre textile produite à partir du chanvre est connue pour être résistante aux rayons UV, antibactérienne, antifongique et thermorégulatrice. En effet, elle peut garder la chaleur en hiver et la fraîcheur en été. Elle est aussi en mesure de réguler la transpiration du corps de manière à maintenir le taux d’humidité à 30 %.

Le chanvre est un matériau au pouvoir isolant, car sa fibre est six fois plus solide que celle du coton. Le tissu réalisé à partir de cette plante est donc durable, qu’il soit destiné à l’ameublement ou à l’habillement.

En élevage et en agriculture

Des litières absorbantes pour animaux sont fabriquées à partir de chènevotte. Une fois séchée et concassée, cette dernière peut aussi servir de paillis dans un potager.

En énergie

Comme le chanvre capte le CO₂ lors de sa croissance, sa biomasse permet de créer de l’hydrogène vert et du méthane vert.

Ci-dessous la répartition de la production mondiale de chanvre en 2021 selon les statistiques de la FAO :

En France

En France, près de 170 000 ha ont été consacrés au chanvre au XIX^e siècle. Bien que cette superficie soit descendue à 21 000 ha en 1904, puis à 600 ha, la culture a repris dans certains départements. On cite l’Aube, la Haute-Saône, la Sarthe, les Côtes-d’Armor, la Haute-Garonne, les Landes, la Seine-et-Marne… Près de 8 000 ha sont actuellement consacrés à la culture du chanvre, avec le principal bassin de production situé en Champagne-Ardenne. Dans la commune de Bar-sur-Aube, dans le département de l’Aube, 125 t de paille de chanvre sont produites par jour. Les cultivars utilisés ont une teneur en THC extrêmement faible. Le règlement n° 1164/89 du 28 avril 1989 impose un taux inférieur à 0,3 %. En 2008, les règlements CE n° 1782/2003 et n° 796/2004 recommandent un taux de THC inférieur à 0,2 %. La vingtaine de cultivars éligible est listée dans l’article 2 de l’arrêté du 22 août 1990. Ce dernier porte application de l’article R. 5181 du Code de la santé publique pour le cannabis. L’inventaire du patrimoine culturel immatériel de 2015 cite la culture du chanvre textile développée dans le Briançonnais. En 2023, six variétés de chanvre dioïque et 20 variétés de chanvre monoïque entrent dans le catalogue officiel.

En Belgique

En Belgique, la généralisation des bateaux à vapeur et de l’importation du coton a failli arrêter la culture du chanvre. Celle-ci a toutefois repris depuis 2009, à condition de respecter la réglementation européenne prévoyant l’obligation de déclaration et de contrôle. Le taux de THC doit aussi être inférieur à 0,2 % et seules les variétés officiellement autorisées sont utilisées.

Au Canada

La culture de cette plante y est légale depuis 1998. Dans ce pays, les principaux lieux de culture sont dans les provinces de la Saskatchewan, du Manitoba et de l’Alberta. Santé Canada limite strictement la teneur en THC à 0,3 % du poids des feuilles. Le seuil est à 10 ppm dans le cas de la farine et de l’huile de chènevis. Ce ministère contrôle également la production, la transformation, la distribution, l’importation et l’exportation de la graine de chanvre. Les cultivateurs doivent respecter plusieurs règlements et obtenir une licence annuelle.

Aux États-Unis

La culture du chanvre y a été interdite jusqu’en 2018, bien qu’elle ait été encouragée pendant la Deuxième Guerre mondiale. La loi agricole promulguée en décembre 2018 autorise sa production commerciale. Il appartient à chaque État de fixer individuellement les modalités de culture et de commerce du chènevis.

Contre-indications et effets indésirables

La consommation de produits à base de chanvre est prohibée en cas d’allergie ou d’intolérance connue. Tel est aussi le cas pour les femmes enceintes et allaitantes. Des études ont montré que cette substance est susceptible de modifier la fonction protectrice du placenta. Cela peut engendrer un retard de croissance du bébé, des troubles au niveau de son développement cérébral… Aucune autre contre-indication ne peut être citée étant donné que le CBD a encore été peu étudié. De plus, les préparations et les produits à base de chanvre ont une composition assez floue et sont de qualité variable.

Plusieurs études affirment que le cannabis fumé augmente le risque de cancer du poumon. C’est la raison pour laquelle les pays autorisant sa consommation à usage médical recommandent sa prise sous d’autres formes. Le THC contenu dans le cannabis est prohibé en raison de ses effets sur le système nerveux central. Sa consommation régulière, à hauteur de plus de dix joints par mois, accroît le risque de schizophrénie de 30 %. D’autres troubles cognitifs comme le manque de concentration et la perte de mémoire peuvent apparaître. Les ballonnements et les diarrhées figurent aussi parmi les effets indésirables du chanvre au vu de sa richesse en fibres.

Aspects culturels

Le primidi 21 vendémiaire, appelé jour du chanvre, correspond au 21^e jour de l’année du calendrier républicain. Généralement, il correspond au 12^e jour du mois d’octobre dans le calendrier grégorien.