Culture et reproduction de l’amanite phalloïde
Étant un champignon toxique, l’amanite phalloïde n’est pas cultivée par l’Homme. Elle se développe et se reproduit de façon naturelle dans son environnement. Sa multiplication se fait grâce à ses spores (ou basidiospores).
Ces dernières sont légères et minuscules. Elles se dispersent sous l’effet du vent et peuvent aussi être transportées par les insectes. Une fois déposées sur le sol, et sous des conditions favorables, ces spores s’ancrent en développant un mycélium primaire.
Pour permettre la croissance du champignon, une fibule assure l’union des noyaux opposés (positif et négatif) de chaque cellule du mycélium. Ce phénomène aboutit à la création du mycélium secondaire.
La formation du mycélium tertiaire (basidiocarpe) se fait après division et transformation du mycélium secondaire. Les noyaux haploïdes au niveau des lamelles fusionnent ensuite pour donner des basidiospores diploïdes. Celles-ci vont donner naissance à un nouvel individu d’A. phalloides.
La multiplication de l’amanite phalloïde peut se faire par fragmentation ou par clivage. Ainsi, le nouveau champignon se forme directement à partir de la division du mycélium.
Composition de l’amanite phalloïde
Les prélèvements réalisés sur l’amanite phalloïde montrent la présence d’agents toxiques : les amatoxines, les phallotoxines et les virotoxines. Ils résistent à la cuisson, au séchage et à l’acidité.
Les amatoxines
Ces toxines regroupent les amanitines α, β et γ. La plus toxique est l’α-amanitine. Dans un champignon de 40 g, on trouve 5 à 15 mg de cette substance. Or, la dose létale est de 0,1 à 0,3 mg/kg, soit environ 7 mg pour un adulte. Cette toxine s’attaque au foie et aux reins. Elle inhibe la synthèse des protéines et provoque ainsi la mort des cellules et l’arrêt des fonctions de ces organes.
À cause des amatoxines, les personnes qui consomment accidentellement l’amanite phalloïde souffrent d’insuffisance hépatique aiguë fulminante. Dans les cas les plus graves, les fonctions hépatiques et rénales se détériorent de manière irréversible.
Les phallotoxines
Les phallotoxines les plus connues sont la phalloïdine et la phallacidine. Elles sont disponibles en grande quantité au niveau des lamelles. L’action des amatoxines permet leur passage dans le sang, puis dans le foie. Sans cette intervention, les phallotoxines ne peuvent agir sur l’organisme.
Les virotoxines
Les virotoxines sont moins bien connues que les autres toxines trouvées dans l’amanite phalloïde. Leur action directe ne constitue pas de danger pour l’Homme. Avec les phallotoxines, elles ciblent l’actine et provoquent l’apparition d’œdème ainsi que la mort des cellules du foie.
L’intoxication à l’amanite phalloïde
En cas d’ingestion d’amanites phalloïdes, le délai d’incubation ou d’apparition des premiers symptômes d’empoisonnement est souvent long. Il est de 12 à 48 heures. Pour plus de sécurité, il est important de connaître les différentes phases d’évolution de l’intoxication.
Les symptômes
L’intoxication à l’amanite phalloïde commence par une phase d’agression, se manifestant par des vomissements et des diarrhées. Ces derniers induisent une déshydratation lorsqu’ils sont intenses.
Les premiers symptômes qui se présentent lors de l’intoxication phalloïdienne sont typiques d’une gastro-entérite. Le diagnostic différentiel est confirmé en cas de collecte et de consommation antérieures de champignons.
Le deuxième stade d’évolution de l’empoisonnement est la phase de rémission. Elle est généralement trompeuse, car l’état du patient s’améliore et les symptômes cités précédemment disparaissent. Cependant, les toxines agissent en arrière-plan et attaquent le foie. Deux à trois jours après, les symptômes révèlent des lésions hépatiques et rénales.
Durant la phase finale dite hépatorénale, le taux d’ammoniaque dans le sang est élevé. Il se produit aussi des troubles de la coagulation. Certaines personnes peuvent se retrouver dans le coma. Les symptômes d’affections rénales surviennent également.
Les mesures curatives
L’empoisonnement phalloïdien est détecté par une prise de sang, permettant de déceler les toxines. De même, il peut être confirmé à partir d’un prélèvement urinaire. Ce dernier est à faire dans les 36 heures qui suivent la consommation de champignons. Au-delà de ce délai, les traces d’amanites sont totalement éliminées.
Lors de l’apparition des premiers symptômes
En attendant les résultats des analyses, il est conseillé d’engager les premiers traitements. Tout d’abord, l’apport en eau est à maximiser. Il permet de compenser les pertes de fluides dues aux diarrhées et aux vomissements fréquents. Ainsi, la victime échappe à la déshydratation qui peut nuire à son état général. Dans l’optique de contrer l’effet des toxines et des troubles gastro-intestinaux, l’emploi de charbon actif est souvent recommandé.
Par ailleurs, on peut procéder à un lavage gastrique. Néanmoins, cette méthode de décontamination n’est efficace que si elle est effectuée peu après la consommation accidentelle de champignons. Ce qui n’est pas toujours le cas. Le lavage gastrique aide plutôt à confirmer la cause réelle de l’intoxication.
Dans ce contexte, les mesures d’accompagnement visent à rétablir le taux de glycémie et l’équilibre électrolytique. Elles sont aussi préconisées pour corriger l’acidose métabolique et les troubles de la coagulation sanguine.
Les traitements proposés
Après le protocole Bastien en 1981, un autre traitement a été proposé pour soigner les victimes d’empoisonnement phalloïdien. Il inclut la silymarine antioxydante naturelle. Elle est composée de silibinine. Son administration est conseillée au plus tard 24 heures après l’intoxication. Elle se fait pendant cinq à six jours et est associée à la prise de pénicilline ou de N-acétylcystéine mucolytiques (NAC) à fortes doses. Le doute s’installe quant à la véritable efficacité de ce traitement. Son action reste encore floue.
À ce jour, aucun remède n’a été trouvé contre le champignon le plus dangereux du monde. Toutefois, de récentes recherches réalisées à l’université Sun-Yat-sen à Canton (en Chine) ont permis de mettre en évidence la protéine contenue dans l’α-amanitine, responsable de l’intoxication. La méthode utilisée est le criblage génétique. Il consiste à rechercher le rôle des gènes dans l’empoisonnement. Cette même méthode a permis de découvrir un antidote contre les piqûres mortelles des méduses-boîtes.
Les chercheurs ont découvert que la protéine incriminée dans l’intoxication phalloïdienne est STT3B. Grâce aux ressources de la FDA (Food and Drugs Administration), ils ont trouvé la molécule qui inhibe l’action de ce composé : le vert d’indocyanine (ICG).
Le vert d’indocyanine est tout d’abord testé sur des cellules hépatiques intoxiquées. Il est ensuite expérimenté sur des souris. À l’issue de ces études, les conclusions sont positives. L’effet toxique de l’amanite phalloïde s’atténue. Actuellement, les chercheurs s’intéressent à l’efficacité de ce produit chez l’Homme. Les résultats semblent prometteurs.
La greffe de foie
Les effets des toxines phalloïdiennes sur le foie sont dévastateurs. La détérioration complète de cet organe cause la mort des victimes. Dans ce cas, le dernier recours est la greffe de foie. Cette transplantation permet à l’organisme de retrouver les fonctions hépatiques qui lui sont vitales.
Précautions
Face au danger que présente l’amanite phalloïde, les mesures préventives sont de rigueur. Elles sont surtout adressées aux personnes qui ne s’y connaissent pas en mycologie.
- Il est conseillé de ne ramasser que les espèces comestibles connues et dont les caractéristiques s’éloignent de celles de l’amanite phalloïde. Dans le doute, le mieux serait d’écarter le principal suspect. La présence de volve et d’anneau ainsi que la couleur des lames (blanche) sont des critères de rejet.
- Les champignons cueillis sont entiers et en bon état pour faciliter leur identification. On évite de les couper au niveau du stipe. Il est possible que la volve soit enterrée.
- La cueillette de champignons est déconseillée après les périodes de pluies abondantes et de gel. Ces intempéries peuvent changer l’aspect des champignons, notamment leur couleur.
- Le mieux serait de cueillir des champignons en phase de maturation. Les spécimens jeunes d’amanite phalloïde ont une ressemblance frappante avec des espèces de champignons comestibles.
- Après la cueillette, les champignons sont à déposer dans une caisse cloisonnée pour faciliter le triage et pour vérifier leur identité. Il est aussi recommandé de prendre des photos de ces champignons. Celles-ci peuvent servir à l’identification de l’espèce fongique en cas d’intoxication.
- De manière générale, la consommation de champignons se fait en quantité raisonnable. Il est indispensable de les cuire pour minimiser les risques d’empoisonnement.
Pour plus de sécurité, toutes les espèces du genre Amanita sont à exclure de la cueillette.