Tout savoir sur les enzymes : caractéristiques, historique, propriétés, rôles dans l’organisme et applications
Selon les résultats des études enzymologiques réalisées, le nombre d’enzymes présents au sein de l’organisme humain est estimé à environ 4 000. Il s’agit d’une protéine possédant des propriétés catalytiques, nécessaire à l’activité biologique cellulaire. Elle est notamment responsable de l’accélération de réactions chimiques dans les cellules de tout organisme vivant.
Description des enzymes
L’énergie est nécessaire pour assurer le bon fonctionnement de tout organisme vivant. Sa synthèse est assurée par les enzymes protéiques, des polymères de ribonucléotides aussi appelés « catalyseurs biologiques ». Elles sont en effet en mesure de catalyser des réactions chimiques du métabolisme, d’où ce nom. Il convient de les différencier des ribozymes, des biomolécules composées d’acides ribonucléiques. Ces derniers sont ainsi des polymères d’acides aminés. Le processus catalytique est similaire. Cependant, la principale différence entre ces deux macromolécules réside au niveau des structures et de la vitesse des réactions dans les cellules.
Solubles dans l’eau, les enzymes sont responsables de la quasi-totalité des processus métaboliques. En effet, elles jouent un rôle non négligeable dans l’appareil digestif et dans la génération des mouvements. Elles contribuent également à la régulation du métabolisme cellulaire, notamment la dégradation de l’amidon, entre autres.
Toutefois, il est bon de noter que ces types de protéines ne sont pas sujets à des modifications au cours de la réaction. En effet, si leurs substrats constituent les molécules initiales, celles formées à partir de ces substances sont obtenues par voie anabolique.
Historique des enzymes
La première enzyme a été découverte en 1833 par Jean-François Persoz et Anselme Payen, des chimistes français. Son isolation a été réalisée suite au traitement d’un extrait aqueux de malt à l’éthanol, dans laquelle une substance capable d’hydrolyser l’amidon a été intégrée. Il s’agit de la diastase, un terme issu du grec ancien διάστασις ou diástasis. Le nommage des substances actives similaires a été proposé à la fin du XIXe siècle par Émile Duclaux, un chimiste, biologiste et physicien français. Ainsi, leur nom, qui se termine par « -ase », provient du substrat. Par exemple, si la lactase est issue de l’appellation lactose, la maltase vient de maltose, etc.
Étymologie
Le terme enzyme a vu le jour grâce à Wilhelm Kühne, un physiologiste allemand. Il provient du grec ancien composé de ἐν ou en, qui signifie « dans », et de ζύμη ou zúmê, désignant « levain ». Concrètement, ce mot fait référence au principe actif baptisé « ferment ». Ce dernier a été obtenu via le processus de fermentation alcoolique réalisé par Louis Pasteur, un chimiste et physicien français.
Caractérisation biochimique
Au début du XXe siècle, la nature biochimique des enzymes était encore inconnue. Selon certains scientifiques, les protéines sont associées à l’activité enzymatique, tandis que d’autres affirment que ces macromolécules biologiques agissent en tant que simples facteurs. Ce n’est que vers le milieu des années 1940 que leur nature protéique a été confirmée. Elle a été corroborée par les recherches réalisées par deux biochimistes américains, Wendell Meredith Stanley et John Howard Northrop. Leurs études ont porté sur la chymotrypsine, la trypsine et la pepsine, qui leur ont valu le prix Nobel de chimie en 1946.
Grâce au processus de cristallisation, la structure tridimensionnelle des enzymes a été établie par cristallographie aux rayons X en 1965. La première opération a été effectuée sur le lysozyme, une protéine présente dans la salive, les larmes et le blanc d’œuf. La biologie structurale a ainsi vu le jour, permettant une étude à l’échelle atomique du fonctionnement des catalyseurs biologiques.
Classement des enzymes
Le NC-IUBMB (comité des nomenclatures de l’Union internationale de biochimie et de biologie moléculaire) a mis en place la nomenclature EC. Basée sur les réactions biologiques catalysées, elle est composée de quatre nombres précédés de « EC », l’acronyme de « Enzyme Commission ». Par exemple, la trypsine a pour numéro : EC 3.4.21.4. Le premier nombre désigne la classe à laquelle la protéine appartient. Le classement des protéines est défini en fonction du type de réaction chimique catalysée. Elles se déclinent en six principaux groupes :
Code
Groupe
Type de réaction
EC 1
Oxydoréductases
Réaction d’oxydoréduction (ou réaction rédox)
EC 2
Transférases
Transfert d’un groupement fonctionnel d’un substrat à un autre
EC 3
Hydrolases
Hydrolyse (rupture des liaisons peptidiques par action d’une molécule d’eau)
EC 4
Lyases
Rupture de liaisons chimiques par des voies différentes de l’hydrolyse ou de l’oxydation
EC 5
Isomérases
Isomérisation (conversion des molécules en une structure isomérique)
EC 6
Synthétases ou ligases
Formations de liaisons covalentes associées à l’hydrolyse de l’ATP (adénosine triphosphate)
Il convient de préciser que, contrairement aux idées reçues, le code EC ne fait pas référence à une molécule, mais à une réaction chimique catalysée. Ainsi, il arrive qu’un même numéro corresponde à plusieurs protéines portant des sites actifs catalysant la même réaction chimique. Cependant, les séquences protéiques sont différentes.
Structure et propriétés des enzymes
Fixées sur un substrat, les enzymes sont destinées à réaliser une réaction chimique définie dans les cellules. Généralement globulaires, elles peuvent agir seules, à l’instar du lysozyme ou muramidase. Ces protéines sont aussi en mesure d’intervenir en groupe de plusieurs sous-unités, comme le complexe oxoglutarate déshydrogénase ou OGDC. Pour mieux comprendre leur fonctionnement, il convient de connaître leurs caractéristiques structurales qui déterminent leurs propriétés catalytiques.
Structure primaire
Les enzymes sont composées d’un enchaînement linéaire d’acides aminés (AA) reliés les uns aux autres par des liaisons peptidiques. Leur synthèse est contrôlée par un ou plusieurs gènes. L’ordre des nucléotides peut être affecté par des mutations, influant ainsi la séquence des acides aminés. Leur disposition linéaire dans la chaîne protéique est connue sous le nom de « structure primaire ».
Structure tridimensionnelle
Les enzymes adoptent une forme en trois dimensions variant en fonction de la séquence des acides aminés dans la chaîne polypeptidique. Composée de plusieurs sous-unités protéiques, cette dernière se replie sur elle-même par endroits suite aux interactions électrostatiques. Sa structure compacte est ainsi obtenue grâce à cette action générée par les liaisons hydrogènes. Une fois repliées, les chaînes peptidiques se présentent généralement sous deux formes : hélice alpha latérale et feuillet bêta central. Des bosses et des cavités sont localisées au niveau du site actif, la zone où les molécules interagissent avec les substrats.
Zoom sur le système enzymatique
Les enzymes, en tant que catalyseurs, sont en mesure d’accélérer la vitesse des réactions chimiques dans les cellules. Ce processus se produit naturellement à 37 °C, la température normale du corps humain. De ce fait, pour déclencher ces réactions à des températures inférieures, l’énergie d’activation doit être réduite. L’objectif est de leur permettre de franchir plus rapidement la barrière énergétique grâce à l’intervention des enzymes. La catalyse peut être réalisée de trois manières différentes :
en recourant aux forces électrostatiques pour stabiliser l’état de transition ;
en fixant le substrat pour que les liens réactionnels soient localisés à proximité du site catalytique ;
en proposant un chemin réactionnel alternatif favorable à la réaction catalysée.
Il est possible que l’enzyme recoure à ces mécanismes de manière simultanée. Elle peut mettre en œuvre une catalyse covalente avant de stabiliser la circulation des charges électriques de l’état de transition. La dernière étape de l’activité consiste à procéder à l’hydrolyse. Il ne s’agit que d’un exemple de mécanisme de catalyse enzymatique.
Contrôle de l’activité enzymatique
L’activité enzymatique peut être contrôlée de cinq manières différentes :
la régulation réalisée par d’autres molécules ;
la mise en veille basée sur l’activation ou l’inhibition de l’enzyme par d’autres molécules ;
la gestion de la quantité prise en charge par les cellules, qui en produisent moins ou plus en fonction des besoins ;
la modification post-traductionnelle pour adopter la forme adaptée (« active » pour se lier au substrat ou « en veille » lorsque l’enzyme est en déplacement) ;
la spécialisation par organes ou par cellule permettant de procéder à la modulation de l’activité enzymatique.
Le déclenchement des réactions dans le corps est ainsi basé sur le mode de fonctionnement de ces « machines moléculaires ».
Rôles des enzymes dans l’organisme humain
Les enzymes se répartissent en deux groupes principaux, à savoir :
celles dites « digestives », synthétisées par le pancréas et le foie ;
celles produites par les cellules de l’organisme, jouant un rôle majeur dans l’élimination de substances toxiques, la purification du sang, etc.
Les premières catégories sont nécessaires à la transformation des aliments en nutriments dans l’appareil digestif. Leur rôle consiste à décomposer les grosses molécules pour obtenir des substrats de plus petite taille. Ce mécanisme de réaction a lieu dès le stade buccal, grâce notamment à l’intervention des glandes qui sécrètent les amylases. Ci-après les différents types d’enzymes digestives et leur rôle respectif :
Les carbohydrases
Elles ont pour rôle de décomposer les glucides pour les transformer en sucres simples appartenant à la famille des glycosidases. À titre d’exemple, l’amylase figure dans la liste des carbohydrases. Son substrat est l’amidon, qui est décomposé en glucose.
Les protéases
Ces substances agissent généralement dans l’intestin grêle. Toutefois, la pepsine, un type de protéase particulier, opère au niveau de l’estomac. Elle est responsable de la décomposition des protéines en chaînes polypeptidiques d’acides aminés. Elles seront ensuite plus facilement assimilées par l’organisme et absorbées dans le sang. Cette action contribue à la construction des protéines dans le corps. Ces dernières participent à la croissance et à la régénération des tissus musculaires.
Les lipases
Retrouvées le long du tube digestif, ces enzymes sont produites dans la bouche (en petite quantité), l’estomac et le pancréas. Elles sont chargées de décomposer les lipides en glycérol et en acides gras. Ces composés organiques sont ensuite utilisés pour procéder à l’opération inverse. En d’autres termes, les lipides sont reconstitués dans l’organisme.
Les autres enzymes
L’adénosine triphosphate (ATP) est hydrolysée par l’enzyme ATPase pour libérer l’énergie indispensable aux réactions chimiques visant la contraction musculaire. Elle intervient sur deux protéines appelées actine et myosine. En agissant sur le cytosquelette, les molécules sont transportées à travers la cellule.
La transcriptase inverse est responsable de la fabrication de l’ADN en se basant sur l’ARN viral monobrin, un virus ayant inhibé les cellules. Elle intervient dans toutes les phases de réplications des rétrovirus. Cette enzyme participe également au clonage des gènes.
Applications des enzymes
Les processus d’isolation et d’extraction de ces protéines dotées de propriétés catalytiques à partir des cellules de plantes, de micro-organismes et d’animaux n’ont cessé d’évoluer. Ainsi, leur application continue de s’élargir, notamment dans le secteur alimentaire. Par exemple, la pectinase est ajoutée à des fruits tels que le cassis pour optimiser le rendement d’extraction de jus. Le tableau ci-après présente les enzymes et les utilisations dédiées :
Applications
Enzymes
Utilisations
Cuisson des aliments
Papaïne
Attendrisseur de viande
Industrie laitière
Lipase
Production de camemberts et de fromages à pâte persillée
Rennine ou chymosine
Hydrolyse de la caséine kappa lors de la production de fromages
Trypsine
Production d’aliments hypoallergéniques pour bébé
Processus agroalimentaires
Peptidase
Diminution de la teneur en protéines de la farine
Amylase
Transformation de l’amidon en sucres réducteurs
Pectinase et cellulase
Clarification des jus de fruits et augmentation de la quantité obtenue
Certaines enzymes sont utilisées dans le domaine de l’industrie chimique dans le cadre de procédés industriels spécifiques. Ci-dessous les applications industrielles les plus courantes :
Applications industrielles
Enzymes
Utilisations
Hygiène
Peptidase
Élimination des résidus de protéines de la surface des lentilles de contact
Traitement de l’amidon
Amylase
Transformation de l’amidon en glucose et en sirop de glucose-fructose
Industrie papetière
Hémicellulase, xylanase et lignine peroxydase
Dissolution de la lignine résiduelle du papier kraft
Lessive biologique
Bêta-Mannosidases
Homogénéisation des préparations issues de gomme de guar
Peptidases, lipase et amylase
Élimination de l’amidon, des protéines et des taches (d’huile ou de graisse) du linge ou de la vaisselle
Biologie moléculaire
Nucléases, ADN polymérase et ADN ligase
Création d’ADN recombinants en utilisant des enzymes de restriction, amplifiées par réaction de polymérisation en chaîne
Acétolactate décarboxylase (ALDC)
Réduction de la formation de diacétyle pour une fermentation plus efficace
Brassage
Pullulanase et amylase
Amélioration des caractéristiques de fermentation et production de bières légères (moins caloriques)
Bêta-glucanase
Optimisation des propriétés de filtration de la bière et du moût
Amylase, glucanase et peptidase
Rupture des liaisons chimiques des polysaccharides et des polypeptides du malt
Bon à savoir
Les recherches réalisées dans le domaine du génie protéique ont pour objectif de créer des enzymes aux propriétés innovantes. L’opération est réalisée de deux manières, par évolution in vitro ou par conception rationnelle. Des réactions chimiques qui ne peuvent pas être produites naturellement ont ainsi été conçues artificiellement.
Dans le secteur agroalimentaire, la biotechnologie a permis d’augmenter le rendement des cultures. En effet, des plantes affichant une résistance accrue face à la sécheresse, aux maladies et aux parasites ont pu ainsi voir le jour.
L’univers de la médecine figure également dans la liste des principaux champs d’application. Grâce à la technologie en constante évolution, des substances thérapeutiques, telles que l’insuline, ont été créées.