Variétés et pratiques musicales
Le cor des Alpes peut être joué seul ou en collectif, formant des ensembles allant du trio au quatuor. À cet effet, ces derniers comprennent les cors soprano, alto, ténor et basse. Lors de la Fête fédérale des yodleurs, un rassemblement triennal, jusqu’à une vingtaine de musiciens peuvent se réunir pour jouer de cet instrument. Sa pratique, du fait de sa longueur et de sa technique, requiert généralement une position debout.
Utilisation traditionnelle et symbolique
À l’origine, le cor des Alpes était un outil utilitaire lié aux activités pastorales en montagne. Employé par les vachers, il servait à rappeler les troupeaux des pâturages à l’étable lors de la traite. Ses mélodies lentes pouvaient résonner dans les hauteurs, parfois entendues jusqu’à 15 km, en fonction des conditions météorologiques et géographiques.
Autres fonctions
Outre son usage pastoral, l’utilisation de ce cor incluait également une dimension religieuse. Il remplaçait parfois les cloches d’église. Il servait à annoncer la prière du soir dans les cantons réformés ou à appeler les fidèles à assister à la messe dans les localités catholiques de Suisse centrale. Des instruments identiques sont présents dans plusieurs pays, probablement destinés à des fonctions similaires. En revanche, celui-ci a acquis son statut emblématique et symbolique en Suisse.
Origines et histoire du cor des Alpes
L’origine précise du cor des Alpes demeure complexe à déterminer. Son origine est vraisemblablement liée à celle de la trompe ou de la corne. Il s’agit d’instruments importés depuis l’Asie centrale vers l’Europe par des bergers nomades. À la suite de cette introduction sur le continent, des cors semblables ont émergé à divers endroits. Ils étaient fabriqués à partir de cornes d’animaux, d’os ou de bois.
Premières mentions et illustrations
L’une des premières illustrations de ce cor, datant de 1856, est visible sur des mosaïques au sol de la villa gallo-romaine d’Orbe-Boscéaz. L’image montre un jeune homme soufflant dans une corne qui fait 80 cm de long. Un écrit datant de 1030, attribué au moine Ekkehard IV de Saint-Gall, décrit l’utilisation d’une tuba alpina par les bergers pour rassembler leurs troupeaux. Des documents de la même époque font également référence à un lituus alpinus.
Lors de fouilles au château de Friedberg, une trompe du XIVe siècle, se caractérisant par une courbure à son extrémité et faisant 60 cm de long, a été mise au jour. Ses deux parties évidées reflètent la conception novatrice de l’époque.
Écrits et illustrations ultérieurs
Des mentions datant de 1527 et de 1595 témoignent de la présence de cet instrument à l’époque. En 1555, Conrad Gessner, naturaliste zurichois, décrit de manière précise le lituum alpinum observé au Pilatus. Un cor de 3,35 m, réalisé avec deux morceaux de bois en courbe et assemblé avec de l’osier, est ainsi évoqué.
Évolution musicale du cor des Alpes
Au-delà de sa vocation première axée sur le travail et la communication, des bergers se sont intéressés à la dimension musicale de l’instrument dès le XVIe siècle. En 1563, une correspondance envoyée à Léonor d’Orléans par Jean-Jacques de Bonstetten mentionne son utilisation musicale par un berger. D’autres références à son utilisation dans la musique sont notées. On compte notamment l’histoire d’un Damounais, nommé Jakob Henzi, enrôlé à Paris en 1574 pour sa maîtrise du cor des Alpes. En 1606, des autorités de Bâle condamnent un individu pour avoir joué de ce cor la nuit. En 1619, Michael Praetorius mentionne son usage par des ouvriers des alpages pour demander l’aumône dans les villes pendant l’hiver.
Transition vers la musique et déclin
Au terme du XVIIe siècle, la production de fromage se délocalise des alpages vers les laiteries des villages. Le nombre de vachers résidant dans ces lieux est alors réduit. Appauvris, ils se retrouvent à jouer de la musique dans les villes, dégradant ainsi l’image de l’instrument qui devient associée à la mendicité. Après 1800, le cor des Alpes est devenu de plus en plus rare.
Sauvegarde et renaissance
Afin de sauvegarder cet héritage culturel particulier, en 1826, le magistrat bernois Niklaus Friedrich von Mülinen charge le compositeur Ferdinand Huber de sa confection. Ce dernier a également été mandaté pour enseigner l’art de jouer de cet instrument à Grindelwald. Cette initiative contribue à modifier la perception de la population à son sujet. Grâce à sa sonorité, ce type de cor est de plus en plus apprécié.