Le clavier analogique polyphonique
À l’origine, les claviers analogiques étaient principalement monophoniques, offrant des performances remarquables dans le domaine de la recherche sonore. Pour les fabricants, la conception d’un modèle polyphonique présentait un défi de taille. En effet, cela équivalait à avoir virtuellement un synthétiseur sous chacun des doigts.
Les premiers modèles polyphoniques ont fait leur apparition dans les années 1970, avec des exemples tels que le Polymoog. Celui-ci adoptait une approche similaire à celle des orgues, avec des générateurs de notes associés à des circuits intégrés. Ces derniers étaient conçus pour traiter individuellement le signal de chaque note. La polyphonie était absolue, permettant de jouer toutes les notes du clavier simultanément, même si cela n’avait guère d’intérêt pratique.
Chez des marques spécifiques, les premiers claviers polyphoniques ont utilisé une technique différente. Ils ont été basés sur la multiplication de synthétiseurs indépendants. Par exemple, le CS 50 comprenait quatre synthétiseurs (VCO/VCF/VCA), tandis que le célèbre CS 80 en comportait 16.
L’objectif du modèle polyphonique était de se rapprocher progressivement des capacités d’un piano, offrant une polyphonie totale. Alors que la norme était de 4 voix dans les années 1970, elle est passée à 8, puis à 32 dans les années 1980. Les claviéristes pouvaient alors utiliser la pédale de sustain, sans se sentir trop limités dans leur jeu. Au fil du temps, la polyphonie est passée à 64 voix avant de doubler dans les années 2000, grâce à l’évolution des processeurs.
Le synthétiseur polyphonique est devenu essentiel pour répondre à la demande croissante des compositeurs, plaçant l’instrument au cœur de leurs orchestrations.
Les origines et l’histoire du clavier analogique
L’histoire du clavier analogique est jalonnée d’innovations technologiques et de moments charnières qui ont façonné le paysage musical moderne. Grâce à son parcours, cet instrument est devenu un élément essentiel de la musique électronique et de la culture populaire.
De 1870 à 1920 : les prémices de la synthèse sonore
Dans les années 1870, l’inventeur américain Elisha Gray a déposé un brevet pour le télégraphe harmonique. Il anticipe ainsi les futures interactions entre télécommunications et musique. En parallèle, Thaddeus Cahill, un autre inventeur américain, a entrepris le développement du telharmonium. Il s’agit du premier instrument de synthèse sonore électromécanique, conçu pour diffuser de la musique sur le réseau téléphonique des États-Unis.
À l’aube du XXe siècle, le physicien écossais James Robert Milne a créé le premier « harmonisateur synthétique ». Ce dernier fonctionne à l’électricité, marquant ainsi le début de la synthèse sonore électronique.
Des années 1920 à 1950 : les débuts de la technologie analogique
Les premiers claviers ont utilisé diverses technologies thermoélectriques et électromécaniques tels que les tubes à vide et les roues phoniques. Certains de ces instruments ont été produits en masse, à l’image de l’Ondioline de Georges Jenny et de l’orgue Hammond. Cependant, ils ne seraient pas considérés comme des synthétiseurs au sens moderne. Des avancées significatives ont néanmoins été réalisées, notamment avec le Trautonium d’Oskar Sala, l’Electronium de Raymond Scott et le synthétiseur ANS d’Evgeny Murzin.
De 1960 à 1970 : l’ère des synthétiseurs modulaires
Dans les années 1960, l’avènement du transistor a permis des avancées significatives dans la miniaturisation et la fiabilité des circuits électroniques. Les premiers claviers analogiques modulaires ont émergé. Ils sont composés de modules électroniques indépendants connectés par des câbles de raccordement. Des marques telles que Moog, ARP, et Roland ont joué un rôle prépondérant dans cette période, introduisant des normes reconnues comme le contrôle de hauteur exponentiel et le signal de déclenchement d’impulsion.
En 1970, Moog a lancé le Minimoog, le premier synthétiseur intégré et pré-patché. Cette innovation a rendu les claviers analogiques plus accessibles et a contribué à leur popularisation, notamment dans les musiques populaire et électronique.
Des années 1980 à ce jour : un renouveau de l’intérêt pour l’analogique
Bien que les années 1980 aient été dominées par les claviers numériques, les années 1990 ont vu un regain d’intérêt pour les modèles analogiques. Ce phénomène s’est grandement fait remarquer dans les scènes techno et rave. Des modèles emblématiques comme la Roland TR-808 et la TB-303 sont devenus des instruments cultes. La demande pour des synthétiseurs analogiques d’occasion a ensuite été optimisée.
Depuis lors, les versions analogiques ont connu un renouveau, avec des fabricants proposant de nouveaux modèles ainsi que des émulations virtuelles. Des marques telles que Moog, Sequential Circuits et Korg ont continué à innover. Une variété de claviers analogiques a ainsi su séduire tant les musiciens amateurs que les professionnels.
Le clavier analogique dans la culture musicale
Depuis le début des années 2000, l’expiration des brevets a déclenché une véritable renaissance dans le domaine des claviers synthétiseurs. Cette période a vu une croissance exponentielle des demandes de kits et des projets de bricolage, stimulant ainsi le commerce des modules analogiques. La pratique de la rétro-ingénierie a également ouvert la voie à la découverte des secrets longtemps gardés de certains composants. Ce phénomène démocratise alors l’accès à des technologies autrefois réservées à un petit groupe et inspire une nouvelle génération d’enthousiastes.
De nombreux claviers numériques abordables équipés de diverses technologies ont vu le jour. Cependant, plusieurs artistes et musiciens ont résolument choisi de revenir aux sons organiques offerts par les modèles analogiques, qu’ils soient monophoniques ou polyphoniques. Si certains sont attirés par les qualités naturelles distinctes du clavier analogique, d’autres adoptent une approche plus équilibrée. Pour eux, la distinction entre la synthèse analogique et celle numérique relève simplement d’une question de préférence personnelle. Chaque méthode apporte effectivement des caractéristiques uniques à la production musicale.
Un autre facteur contribuant à la popularité croissante de ces appareils réside dans une forme de lassitude vis-à-vis des nouvelles technologies axées sur les écrans. D’ailleurs, ce genre d’équipement caractérise souvent les claviers numériques. En réponse à cette frustration, les contrôles intuitifs offerts par les modèles traditionnels tels que les faders et les potentiomètres, captivent les artistes et les mélomanes. Ce retour aux interfaces tactiles et tangibles fournit une expérience musicale plus immersive et instinctive pour de nombreux passionnés.