Caractéristiques générales
D’un point de vue global, ce genre de musette typique du Limousin comporte :
- un buffoir doté d’une valve anti-retour ;
- une poche recouverte d’un « costume » en coton, en velours ou en soie ;
- une empeigne ou un boîtier portant le petit bourdon et le hautbois ;
- une quenouille ;
- un grand bourdon latéral ou bourdon de bras avec une perce triple repliée en « S » ;
- un petit bourdon qui sert à finir l’accord ;
- un hautbois avec un mécanisme de clé, plusieurs segments et une anche double ;
- une fontanelle ;
- un pavillon en cloche pour amplifier le son ;
- des miroirs qui servent d’ornements.
Chacun de ces éléments possède des spécificités qui permettent d’observer les différences avec les modèles auxquels la chabrette est associée. Par exemple, celle-ci est munie d’une sorte de lanterne (la fontanelle) confectionnée en os ou en corne pour camoufler la clé. L’une des principales distinctions de la « chabreta » (son appellation locale) est la présence de miroirs d’étain qui décorent l’empeigne. Cette particularité lui a valu le nom de « cornemuse à miroir ». Le hautbois révèle une perce longitudinale de sept trous de jeu, contre une perce cylindrique pour les deux bourdons. En termes d’accord, le petit bourdon se situe à une octave sous la fondamentale du hautbois, contre deux octaves pour le gros bourdon. L’os, la corne et l’étain assurent les raccords, en plus de servir d’éléments de décoration.
Éléments esthétiques
Les détails esthétiques de la chabrette méritent une attention particulière, car ils témoignent de son originalité et de son utilisation dans un milieu social aisé. D’emblée, ils attirent le regard par leur richesse, que ce soit en nombre ou en symboles. Certains utilisent le terme « surcharge » pour évoquer les éléments présents, à l’instar de l’étain, de la corne, de l’ivoire, du buis, etc. Ces objets portent des signes religieux, cosmogoniques et autres : Soleil, étoiles, ostensoirs, cœurs, et cætera.
Néanmoins, certains assurent une fonction musicale, au-delà d’un travail issu de techniques de fabrication sophistiquées. Par ces accessoires, la chabreta se présente comme un objet de valeur, loin d’être une cornemuse ordinaire ou populaire. Chaque pièce constitutive peut porter des décorations, des gravures, des inscriptions, des serpentins ou des spirales. Des chaînes de laiton sont même accrochées sur les bourdons.
Cette esthétique complexe confère à la chabrette un attribut qui dépasse son statut d’instrument de musique. En effet, elle s’apparente à un véritable bijou au caractère mystérieux.
La chabrette et son histoire
La chabretta est chargée d’histoire, bien que celle-ci ait été transmise oralement et n’a laissé que très peu de traces écrites. Originaire de Limoges, elle est essentiellement pratiquée dans le Limousin : Dordogne, Haute-Vienne, Quercy et Corrèze.
Les « chabretaires » (appellation des musiciens) du XXe siècle en jouaient de plusieurs types à l’époque, dont certains auvergnats et d’autres bourbonnais.
En revanche, la chabrette était typique de sa région, et a suscité l’intérêt de nombreux ethnomusicologues comme Eric Montbel. Ce dernier a entrepris des travaux de recherche à partir de 1975, accompagné de facteurs connus tels que Thierry Boisvert et Claude Girard. Ils ont été en mesure de retrouver 120 exemplaires antiques, qui leur ont servi de modèles pour reprendre la facture de ce genre de cabrette.
Par ailleurs, celle-ci partage une histoire avec les cornemuses du Poitou. Sa première utilisation revêtait également un caractère savant, non musical. En ce sens, la chabrette ne comptait pas parmi les instruments classiques, encore moins populaires ni traditionnels. Elle ne figure pas non plus dans le registre folklorique. Cette version limousine de la musette continue d’éveiller la curiosité, car elle demeure mystérieuse et nourrit d’importantes recherches en histoire et en musicologie.
La conception symbolique des parements, de leurs formes à leurs particularités, suggère une multitude d’hypothèses quant à leur signification. Par exemple, certains soutiennent que le miroir a pour fonction principale de rappeler le Soleil et la lumière. D’autres évoquent l’éventualité d’une superstition de renvoyer la lumière mystique. Les signes paraissent à la fois étranges et poétiques, tout en nourrissant un imaginaire riche, dans le sens du Sacré. L’association de matières végétales (sureau, buis, cerisier…) et animales (corne, peau, os…) soulève aussi des interrogations. Nombre de chercheurs tentent de répondre à travers des traits culturels propres à la communauté.
Faisant partie d’un héritage populaire, la chabrette incarne parfois la personnification d’un animal avec :
- une tête (boîtier) ;
- une langue (anche) ;
- une peau (poche) ;
- un pied (hautbois).
Tous ces caractères renforcent l’originalité de cette variété de cornemuses, parfois considérée comme un véritable chef d’œuvre artistique.