Le triskèle, son origine, sa représentation, ses significations, ses symboles en géométrie sacrée et ses bienfaits
Qu’est-ce que le triskèle ?
Le triskèle, également écrit triskell ou triskel en breton, connu aussi sous les noms de triskelion ou triscèle (du grec τρισκελης / triskelês, signifiant “à trois jambes”), représente soit trois jambes humaines, soit des spirales entrelacées, ou encore n’importe quel symbole à trois protubérances symétriques. Sa direction de rotation peut être horaire ou anti-horaire et sa signification varie selon le contexte.
Le symbole aux plusieurs orthographes
Malgré l’incertitude sur la signification du Triskel, sa forme d’écriture est également confuse. En fin de compte, c’est un terme pour lequel il est presque impossible de faire une faute d’orthographe, avec des variantes telles que Triskel, Triskèle, Triskell, Triskelês et Triskelle.
Histoire et utilisation du triskèle
Le triskèle est un symbole retrouvé depuis le Néolithique dans diverses cultures et époques. Les plus anciennes représentations sont visibles sur les temples mégalithiques de Malte et sur le tombeau néolithique de Newgrange en Irlande, daté de 3200 avant JC. On le trouve aussi gravé à plusieurs endroits, comme sur l’une des pierres de chant devant l’entrée du monument de Brú na Bóinne. Ce symbole a été sculpté 2500 ans avant la présence celte en Irlande, au cours de la première vague de l’évolution linguistique vers le celtique.
Le triskèle était également utilisé à l’époque grecque antique. A partir d’Agathocle de Syracuse, il figure sur les monnaies en Sicile, une île aux trois caps, où il devient le symbole de la région sans passé celtique.
Le triscèle à trois branches courbes est considéré comme une caractéristique importante de l’art celtique pendant la période Tène (second âge du fer, Ve-IIe siècle av. J.-C.). L’historien A. Grenier croit que c’était à l’origine un symbole du Soleil, tandis que Ph. Jouët soutient que le triscèle représentait les trois moments de la carrière visible du Soleil (matin, midi et crépuscule) et peut également avoir d’autres significations comme les trois cieux, les trois saisons et les trois notions. Les découvertes archéologiques (bijoux, monnaies) peuvent guider l’interprétation. Le triscèle doté de pieds indique une direction et sa rotation aux branches courbes signifie que le développement circulaire se situe en arrière du plan d’avancement.
Le triscèle a été transmis à l’Ouest gothique, sur l’île de Man au XIIIe siècle, puis dans des blasons anglais, allemands et suisses ainsi que dans l’art, par exemple dans le Jugement dernier d’un disciple de Jérôme Bosch.
Ce symbole a également été inclus dans l’architecture de nombreux édifices religieux, souvent en groupes de deux en rotation sinistrogyre avec un biskèle, ou en groupement de trois triskèles. On peut les trouver en formation linéaire de plusieurs unités, comme à l’abbaye de Saint-Antoine-l’Abbaye en Isère où ces trois configurations sont présentes. Cet édifice abrite le plus grand nombre de groupements de triskèles et biskèles sur un seul bâtiment en Europe.
Le triskèle, un symbole avec trois jambes tournant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre autour d’une tête humaine, apparaît sur le drapeau de la Sicile depuis 1285 sous le nom de Trinacrie. Le même symbole figure également sur le drapeau de l’île de Man, avec des jambes armées au lieu d’être nues. Il est basé sur les légendes de la triplicité et du caractère solaire du dieu celtique Manannán. Le triskèle a également été utilisé par des groupes politiques tels que des nazis et des extrémistes de droite qui revendiquent une inspiration nordique.
Origine du Triskel à travers l’Europe
Actuellement, il n’est pas inhabituel de considérer le Triskel comme la combinaison des trois éléments fondamentaux : l’eau, la terre et le feu. L’air est souvent symbolisé par le point central. Bien que cette interprétation moderne ne soit pas considérée comme historiquement fondée par certains, elle est tout de même logique et correspond bien au symbolisme général du Triskel. Au temps des Celtes, les peuples habitaient un vaste territoire allant de l’Anatolie à l’Irlande, laissant de nombreux vestiges, notamment le symbole du Triskel, répandu dans de nombreux pays. La Grande-Bretagne, qui fut autrefois principalement une terre celtique, a produit de nombreuses découvertes archéologiques montrant des objets ornés de Triskel avec une grande variété de représentations.
Significations du triskèle
Le triskèle symbolise dans l’iconographie celtique les trois moments clés de la course du soleil à travers le ciel : l’aube, le zénith, et le crépuscule. Il est qualifié de “rapide” ou “à pieds rapides” en raison de la rapidité avec laquelle le soleil se déplace. Selon Jean Haudry, il dérive d’une forme de la roue claire qui représente le déplacement du soleil.
Le triskèle est le symbole de l’unité des sociétés celtes qui étaient organisées autour de trois castes principales : bardes/druides (pouvoir spirituel), rois (pouvoir temporel), et paysans/artisans (pouvoir matériel). Cela ressemble à l’organisation théorique de la société védique, qui comprenait les brahmanes (druides-bardes qui prient aux trois jonctions de la journée), les kshatriya (rois et gendarmes), et les vaishya-shudra (paysans, artisans et serviteurs). Cette division des tâches sacrées est symbolisée en Inde par le svastika à quatre branches, qui représente les quatre jonctions de la journée (aurore, zénith, crépuscule et éveil/bouddhéité). Le triskèle est l’équivalent européen du svastika. La religion celte est très proche, dans sa métaphysique, de l’hindouisme, qui est également un animisme où les dieux, les forces de la Nature ou les puissances surnaturelles peuvent prendre la forme d’animaux ou d’idoles vénérées. Selon Gerhard J. Bellinger, la religion celte représentait à l’origine ses dieux uniquement sous forme animale.
Comment le triskèle a-t-il été popularisé ?
Le triskèle a été popularisé par le Parti national breton qui l’a adopté comme insigne en 1941, remplaçant le hevoud jugé trop proche de la croix gammée. Il a également été adopté dans les milieux druidiques à la fin du XIXe siècle et apparu dans des revues à caractère nationaliste breton avant 1914.
Le succès renouvelé de la musique bretonne dans les années 1970, sous l’influence d’Alan Stivell, a largement contribué à populariser le symbole. Lorsque le triskèle est devenu visible sur les plateaux télé, les magazines et les concerts, grâce à l’artiste breton, il a démarré une mode qui s’est étendue en Bretagne et en France. Le triskèle est devenu ensuite un symbole de la Bretagne dans divers domaines, tels que le tourisme, les marques commerciales, la culture, etc. Les concerts d’Alan Stivell en Espagne ont également incité divers mouvements à l’arborer, notamment en Galice et dans les Asturies. Il a également gagné en renom jusqu’au sud de l’Espagne et à un moindre degré dans d’autres pays tels que l’Italie.
Quels sont les symboles du triskèle ?
Il existe plusieurs interprétations du symbole triskel. La première et la plus répandue est que les trois branches représentent Eau, Terre et Feu. D’autres affirment qu’il s’agit du Ciel, de la Terre et de l’Eau. D’autres encore considèrent que les branches symbolisent les trois dieux celtiques Lug, Ogme et Dagda, ou bien le sommeil, le rêve et l’éveil, ou encore le cycle de la vie : enfance, vie adulte et vieillesse, ou le passé, le présent et le futur. Certaines personnes se demandent même si le triskèle n’est pas simplement inspiré du trèfle.
Le symbole du Triskell, avec ses courbes, représente le dynamisme et l’enthousiasme, contrairement aux croix statiques. La rotation du Triskell a une signification particulière : ses branches doivent toujours tourner dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, considéré comme sacré (paix). Si les branches tournent dans un autre sens, cela signifie la guerre ou le conflit (maléfique). Le Triskell est le symbole Interceltique le plus populaire. Son origine remonte à avant -400 av JC et il a été fréquemment utilisé par les Celtes.
Symbole du marketing breton
Le Triskel est désormais étroitement lié à la Bretagne et est donc devenu un symbole très populaire pour les marques. Par exemple, “Paysan Breton” en a fait son emblème, tandis que la brasserie Lancelot a choisi de l’utiliser sur les bouteilles de sa bière biologique “Telenn Du”. Cela confirme son appartenance à la culture bretonne. On peut voir le Triskel sur des mugs, des porte-clés, des tee-shirts, associé à des marques locales et même dans les assiettes. La signification du Triskel laisse place à l’imagination, mais certains voient une ressemblance avec le trèfle et considèrent le Triskel comme un porte-bonheur breton.
Le triskel, bien avant l’époque celte
Le triskel est cher aux Bretons et aux amateurs de tradition celtique en Europe. Il est associé aux cultures celtiques, mais en réalité, il remonte à avant cette époque. Des inscriptions de l’âge du bronze nordique et des gravures mégalithiques irlandaises en témoignent. Un exemple notable est la présence du triskel sur le site de Newgrange en Irlande, datant de plusieurs milliers d’années avant l’époque celte. Ce site montre deux triskels, l’un à l’extérieur et l’autre à l’intérieur, représentant trois spirales entrelacées. Au solstice d’hiver, le premier rayon du soleil éclaire le triskel gravé à l’intérieur, créant un phénomène étonnant.
Le triskel a été utilisé en tant que symbole sacré par presque toutes les cultures païennes d’Europe dans l’Antiquité. Il est défini par son étymologie, qui fait référence à ses trois jambes, et apparaît sur des emblèmes tels que celui de l’île de Man. Il est également devenu l’emblème de la Sicile. Le triskel représente à la fois les forces solaires et les forces chtoniennes, les premières associées aux divinités célestes et les secondes à la terre, au monde souterrain et aux Enfers. Il relie les forces de la terre et les forces célestes et cosmiques en établissant un lien entre la fertilité, la fécondité, le chaos primitif et l’ordre divin des choses.
Le chiffre 3, le triskel et ses variantes
Le triskel présente différentes variantes, toutes partageant deux caractéristiques : une roue tournant dans un sens ou dans l’autre, sans orientation définie comme c’est le cas pour le svastika, et l’utilisation symbolique du nombre 3 largement employé dans les rituels magiques des anciennes cultures païennes. Le chiffre 3 pour les païens était considéré comme capable de donner vie à des invocations rituelles. Cette croyance se basait sur l’idée que l’union de principes complémentaires (masculin et féminin) crée une nouvelle vie, selon le principe 1 + 1 = 3. Ce même principe trinitaire est largement répandu dans la littérature (thèse, antithèse, synthèse), où la synthèse naît de l’union de la thèse et de son contraire (antithèse). En résumé, le nombre 3 a le pouvoir d’activer un concept ou un souhait.
Le principe cyclique de la vie, de la mort et de la renaissance est à la base de la forme circulaire du triskel. Les traditions païennes voient la vie et le destin de manière cyclique, contrairement aux monothéistes. Le triskel, avec son aspect trinitaire, était un symbole important dans les panthéons polythéistes, notamment chez les Indo-Européens. Selon Georges Dumézil, la société divine et humaine des Indo-Européens reposait sur une tri-fonctionnalité, représentée par le chiffre 3. Les trois dieux principaux des panthéons Indo-Européens reflètent cette division, comme Teutatès, Taranis et Esus en Gaule, Odin, Thor et Freyr chez les Vikings, et Jupiter, Mars et Quirinus chez les Romains. La tri-fonctionnalité correspond aux fonctions de souveraineté, de noblesse guerrière et de production/reproduction.
Triskell : symbole chtonien
Le triskel est un symbole chtonien qui représente la grande déesse Terre mère dans ses trois phases de la vie : jeunesse, maturité et vieillesse. Ce symbole couvre le principe cyclique de vie, mort et renaissance.
Le triskel évoque également les phases du cycle lunaire : croissante, pleine et décroissante. Il est associé à la fécondité et à la fertilité, comme le montrent ses spirales. Le triskel, en raison de sa relation avec le chiffre 3, représente le temps qui passe : passé, présent et avenir.
Dans les traditions païennes gréco-romaines et germano-nordiques, le destin des hommes est entre les mains de trois déesses, qui représentent les trois phases du temps. Elles tissent ensemble le devenir des hommes et des dieux.
Le triskel a également une dimension spirituelle, en lien avec l’axe vertical de l’être humain qui transcende le monde spirituel de tous les êtres vivants. La notion trinitaire liée au triskel fait référence à un ensemble : corps, parole et esprit. Ce dernier correspond aux trois états vitaux de l’homme, dont les énergies circulent le long de l’arbre cosmique, représenté chez l’être humain par la colonne vertébrale.